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Endoscopie

Taux de détection des adénomes et risque de cancer d’intervalle après coloscopie : une étude de cohorte au sein du programme de dépistage organisé du cancer colorectal par Hemoccult

2015

Bernard Denis, Isabelle Gendre, Emilie Marrer, Philippe Perrin, pour les gastroentérologues du Haut-Rhin

Endoscopie –  2015-04-23 – CO –

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L’Assurance Maladie a proposé d’évaluer le rendement des gastroentérologues (GE) lors des coloscopies du dépistage organisé du cancer colorectal (CCR) par Hemoccult et fixé à 15-20% l’objectif à dépasser pour le taux de détection des adénomes (TDA). Ce seuil n’a pas de rationnel scientifique.
Buts : Evaluer l’association entre certains indicateurs qualité et le risque de CCR d’intervalle (CCRI) après coloscopie.
Méthodes : Tous les résidents d’un département pilote explorés par coloscopie pour Hemoccult positif de 2003 à 2008 ont été inclus et suivis jusqu’au 31/12/2010. Tous les CCR invasifs (carcinomes in situ exclus) diagnostiqués entre 2003 et 2010 ont été recensés par le registre des cancers. Un CCRI était un CCR diagnostiqué dans un délai > 6 mois et < 3 à 5 ans après une coloscopie négative. Le rendement des GE était évalué par le taux de détection des adénomes (TDA). Les GE étaient répartis selon leur TDA en 3 classes : faibles (<35%), forts (35%-45%) et très forts (≥45%) détecteurs.
Résultats : 5367 personnes étaient inclues, leurs coloscopies réalisées par 37 GE. 20 CCRI étaient colligés après un suivi médian de 4,7 années (extrêmes 0,4 – 7,3), soit un total de 24.414 personne-années de suivi. La prévalence des CCRI était de 3,8% dans un délai de 3 ans après coloscopie. 14 CCRI ont été diagnostiqués dans un délai < 3 ans et 6 dans un délai de 3 à 5 ans. 23 GE n’avaient aucun CCRI, 10 en avaient 1, 3 en avaient 2 et 1 en avait 4. 14 (70%) CCRI étaient situés dans le colon proximal, 4 (20%) dans le colon distal et 2 (10%) dans le rectum. 12 (60%) correspondaient probablement à des lésions non vues à la coloscopie initiale et 7 (35%) à des lésions incomplètement réséquées. Un seul (5%) semblait relever d’un développement rapide. Les GE se répartissaient en 16 (43%) faibles détecteurs, 15 (41%) forts et 6 (16%) très forts détecteurs. 9 (45%) CCRI étaient observés dans le groupe des faibles détecteurs, 10 (50%) dans celui des forts et 1 (5%) dans celui des très forts (p= 0,5). Le risque cumulé de CCRI était globalement de 82 cas pour 100.000 personne-années de suivi. Il variait selon le GE de 0 à 482 cas pour 100.000 personne-années de suivi. Il était de 98 cas pour 100.000 personne-années de suivi dans le groupe des faibles détecteurs, 81 dans celui des forts, et 34 dans celui des très forts détecteurs (p = 0.2). Un seul GE avait émis des réserves sur la qualité de la préparation colique lors de la coloscopie initiale. Un seul GE avait un taux de coloscopies complètes < 93%. Seul, le GE avec 4 CCRI avait réalisé ses coloscopies au cabinet. Tous les autres CCRI suivaient des coloscopies réalisées sous anesthésie en établissements de santé.
Conclusions : Cette étude est la première à évaluer le risque de CCRI après coloscopie en France. Dans le programme de dépistage organisé par Hemoccult, la prévalence des CCRI dans un délai de 3 ans après coloscopie est de 3,8%, identique à la prévalence « poolée » des 12 études de la méta-analyse de Singh S (Am J Gastroenterol 2014) (3,7%). Le risque de CCRI varie selon l’endoscopiste et son rendement. Si l’objectif de la coloscopie est de prévenir le CCR, c’est à 35%, voire 45% qu’il faut fixer le seuil de TDA à dépasser pour minimiser le risque de CCRI.