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Oncologie digestive

Rhabdomyolyse, inhalations & œsophage

2025

Flavien Dautrecque

Oncologie digestive – 11/05/2025 – Cas clinique

Monsieur J est un patient de 79 ans, aux antécédents de syndrome dépressif (apparu en juin 2024, et compliqué d’anorexie et de perte de poids, du fait de difficultés familiales), de méningiome de l’apex pétreux sans effet de masse, de diabète de type II, de sténose du pylore, de consommation excessive de tabac (50 paquets/année) et d’alcool (3 à 4 verres de vin par jour).
Il était autonome jusque novembre 2024, date à laquelle il chute à plusieurs reprises à domicile, avec l’apparition d’un hématome de la cuisse, puis d’une dégradation progressive de son état général et de son autonomie.
Il est conduit aux Urgences le 19 décembre, puis est hospitalisé en Médecine Polyvalente avec les diagnostics complémentaires de pneumopathie infectieuse, de rhabdomyolyse et d’insuffisance rénale aiguë fonctionnelle.
Au cours de cette hospitalisation, une IRM cérébrale est réalisée pour le bilan des chutes, et elle ne montre rien de plus que le méningiome déjà connu. Une IRM des cuisses conclue à plusieurs hématomes avec un œdème musculaire disséminé des cuisses, des muscles obturateurs et des glutéaux.
La pneumopathie infectieuse est imputée à une inhalation liée à des fausses routes répétées, et à des régurgitations favorisées par une dysphagie.
Une FOGD est réalisée, concluant à une lésion du bas œsophage non sténosante, dont l’anatomopathologie conclue à un adénocarcinome tubuleux peu différencié.
Monsieur J est accueilli en Hépato-Gastro-Entérologie. Le bilan d’extension ne montre pas de métastase. La fibroscopie bronchique montre une inflammation bronchique diffuse sans lésion suspecte et sans fistule.
Au cours de ce séjour, il est découvert une fibrillation auriculaire, avec troponines augmentées sans indication de coronarographie. Il apparaît des œdèmes des membres supérieurs, et un érythème facial. Une 2ème pneumopathie infectieuse a été diagnostiquée.
L’association d’un trouble de la déglutition et d’une dysphagie, entraînant des pneumopathies d’inhalation, d’un trouble de la marche, d’œdèmes des membres supérieurs, d’un érythème de la face, d’une rhabdomyolyse, dans un contexte d’adénocarcinome œsophagien, fait évoquer le diagnostic de dermatomyosite paranéoplasique.
Un traitement par Immunoglobulines, corticothérapie et tacrolimus est débuté. Mais le patient décédera d’une détresse respiratoire aiguë secondaire à une 4ème pneumopathie infectieuse.

Les dermatomyosites sont des pathologies rares, survenant dans 20 à 30% des cas dans un contexte néoplasique. Les cancers les plus souvent mis en évidence sont hématologiques, pulmonaires, ovariens, prostatiques, coliques, mammaires ou gastriques. La recherche d’un cancer est recommandée par un scanner TAP, une mammographie et un examen gynécologique dans tous les cas, complétés par une TEP-TDM, une FOGD et une coloscopie chez les patients de plus de 50 ans et avec des anticorps anti-TIF1µ ou anti-NXP2.
Les signes cliniques sont principalement une faiblesse musculaire proximale, et des lésions cutanées du visage et des mains. Des atteintes articulaire, cardiaque, pulmonaire et digestive sont possibles.
Le bilan complémentaire associe le dosage des CPK et la recherche d’anticorps spécifiques, pouvant suffire au diagnostic, mais auxquels peuvent s’ajouter une biopsie cutanée, une biopsie musculaire, un EMG, une IRM musculaire, une capillaroscopie.
Le traitement repose, comme chez notre patient, sur une corticothérapie, éventuellement associée à des immunoglobulines et des immunosuppresseurs. Le traitement d’un cancer associé est nécessaire.
Le pronostic est bon dans les formes non associées à un cancer, mais dépend du pronostic du cancer lui-même dans les autres situations.