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Endoscopie

SANGHRIA à Perpignan : des spécificités locales à expliquer ?

2019

AJ REMY, L LE CLOAREC, MC ORTIZ, A SAEZ, C AMOUROUX, M KOUAOUCI, F KHEMISSA. Service d’Hépato-Gastroentérologie et de Cancérologie Digestive, Centre Hospitalier de Perpignan

Endoscopie –  2019-05-14 – CO –

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Introduction : Dans l’observatoire SANGHRIA sur les hémorragies digestives hautes initié par l’ANGH en novembre 2017, l’équipe du Centre Hospitalier de Perpignan arrive en tête du nombre d’inclusions : 430 inclusions à Perpignan sur un total de 2498 soit plus de 17% du total des inclusions. La moyenne d’inclusions dans notre centre est proche de 1,5 par jour avec un pic maximal à 6 inclusions en 24h. Les hémorragies digestives reçues dans notre centre comprenaient tous types d’étiologies : hypertension portale, ulcères gastroduodénaux, oesophagites, cancers, etc… Objectif : expliquer pourquoi il y a eu autant d’inclusions dans SANGHRIA à Perpignan. Résultats : les explications possibles peuvent être liées 1/ à l’organisation médicale 2/ à une différence sur le circuit d’inclusion 3/ aux caractéristiques de la population du bassin de santé 4/ aux habitudes locales de prescription 5/ à des caractéristiques différentes des patients ayant une hémorragie digestive.
1/ Pour l’organisation médicale, notre établissement est le seul établissement public somatique du département des Pyrénées-Orientales avec plus de 1000 hospitalisations par jour et plus 1200 consultants par jour. Il y a absence et/ou abandon du secteur libéral dans la prise en charge des hémorragies digestives : 16% des malades inclus sont passés auparavant par un service privé d’urgences sans voir de gastroentérologue. Le Centre Hospitalier de Perpignan est de fait le seul centre d’accueil des hémorragies digestives GHT Aude Pyrénées. La comparaison 2005-2017 demandée au DIM montrait une augmentation des passages au SAU de 31% mais une augmentation des séjours pour hémorragies digestives hautes de 141%, qui correspond en valeur brute à une augmentation de nombre de séjours de 296 à 713. Par ailleurs, l’équipe médicale du service d’hépato-gastroentérologie assurant l’astreinte opérationnelle comprenait 6 praticiens hospitaliers et une assistante spécialiste. 2/ L’investigateur principal du centre a été très investi dans SANGHRIA ainsi que le personnel d’endoscopie mais ceci n’est pas exclusif de Perpignan. Par contre le circuit d’inclusion a été optimisé. Les infirmières d’endoscopie informaient systématiquement tous les patients ; il n’y avait qu’un seul médecin inclueur qui passait au crible tous les plannings d’endoscopies réalisées, weekends et jours fériés inclus, sans temps spécifique dégagé, ni soutien URC ou ARC. 2/ dans les caractéristiques de la population, le Centre Hospitalier de Perpignan dessert un bassin départemental de 482 131 habitants (données INSEE au 1er janvier 2018) concentrés sur la ville de Perpignan (120 605 habitants) et son agglomération (264 105 habitants). Ceci représente 18,3% de l’ancienne région Languedoc-Roussillon, devenue l’est de l’Occitanie. La population est plus âgée de 3% par rapport à la moyenne nationale et régionale. Le % des plus de 60 ans est de 32% dans les Pyrénées-Orientales contre 28,5% en Occitanie et 25,6% en France tandis que le % des plus de 75 ans est de 12% dans le département, de 10,5 en Occitanie et de 9,15% en France. La précarité est importante avec un revenu moyen par foyer de 21392 € (régional 23560 €, national 26163 €). La consommation d’alcool et de tabac est supérieure dans le Languedoc-Roussillon. Il y a 16,6% de buveurs réguliers, soit +5,6% par rapport à la moyenne nationale et 35% de fumeurs réguliers soit +6% par rapport à moyenne nationale.
3/ les habitudes de prescription locales, obtenues par convention avec la CPAM des Pyrénées-Orientales montrent une consommation d’antiagrégants plaquettaires, de NACO et d’AVK supérieure de 2 à 3% par rapport au reste de la région mais avec une consommation globale d’IPP également supérieure de 3% ; la fréquence de la co-prescription est similaire à la moyenne régionale, ente 45 et 51% selon les classes. La consommation d’AINS était identique, y compris en co-prescription avec IPP. 5/ Les malades inclus au Centre Hospitalier de Perpignan présentaient des différences uniquement sur les items suivants : moins d’hémorragies intra-hospitalières (15.6% v 25.3%), hémorragie plus souvent liée à une oesophagite (19% v 11,5%) ou à une hypertension portale (30% v 19%), malgré un pourcentage de malades cirrhotiques et un score moyen de CHILD identiques, score de Charlson plus élevé (3.4 v 2), endoscopies réalisées moins souvent sous anesthésie générale (13% v 31%), nombre de culots transfusés moins important (1,7 v 3.3), récidive intra-hospitalière moins fréquente (4.3% v 10.5%), durée d’hospitalisation moins longue (8.2 jours v 10.2 jours) ; 22 patients cirrhotiques seulement sur 88 (25%) étaient sous propranolol. La mortalité intra-hospitalière et à 6 semaines étaient similaires.
Discussion : Nous pourrons essayer d’expliquer comme suit l’augmentation de 141% : 1/ augmentation d’activité du Centre Hospitalier pour 31%, augmentation de prescription des NACO, autres anticoagulants et antiagrégants 3%, diminution de prescription des IPP non constatée, diminution de l’activité libérale d’urgence 21%. Une plus grande précarité et des consommations supérieures de tabac et d’ alcool pourraient être également impliqués. L’hypertension portale plus fréquemment en cause et des patients moins souvent sous propranolol sont des facteurs qui doivent nous faire réfléchir sur nos pratiques de prévention hémorragique. Conclusion : Le Centre Hospitalier de Perpignan est-il un cas à part ou des spécificités locales peuvent-elles tout expliquer ? L’analyse comparative de nos malades par rapport à l’ensemble des malades inclus dans SANGHRIA n’a montré que des différences mineures. L’optimisation du circuit d’inclusion a permis la collecte exhaustive de données sur les hémorragies digestives hautes d’un GHT.