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Gastroenterologie

DIARRHEE AIGUË FEBRILE ET SEPTICEMIE A VIBRIO CHOLERAE NON CHOLERIQUE REVELANT UNE CHOLANGITE SCLEROSANTE PRIMITIVE

2005

Guy BELLAÏCHE (1), Séverine BERDAH (1), Caroline GARANDEAU (2), Lydia MAISONNEUVE (2), Jeanne BELLOC (1), Jean-Luc SLAMA (1).
Service d’Hépato-Gastroentérologie (1) et de Microbiologie (2). Hôpital Robert Ballanger. 93600 Aulnay-sous-Bois.

Gastroentérologie –  2005-08-26 – PW –

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Les vibrions sont des bactéries à Gram négatif qui sont des hôtes naturels du milieu marin. Parmi ces vibrions, on distingue deux populations pathogènes pour l’homme, la première constituée du vibrion cholérique, appartenant aux sérogroupes O1 et 0139 de l’espèce Vibrio cholerae et à l’origine du choléra et d’une seconde population comprenant les vibrions non cholériques de l’espèce Vibrio cholerae et 11 autres espèces du genre Vibrio, responsables habituellement d’infections sporadiques rarement graves ou de toxi-infections alimentaires (1). Nous rapportons le cas d’une diarrhée aiguë fébrile résolutive avec septicémie à Vibrio cholerae non-01/non-0139 révélant une cholangite sclérosante primitive.
Une femme de 72 ans était hospitalisée en réanimation en décembre 2004 pour un état de mal épileptique avec fièvre à 39°C. Elle avait comme principal antécédent une épilepsie traitée par Dépakine chrono 500 2 comprimés par jour depuis novembre 2003, une angiocholite sur lithiase de la voie biliaire principale traitée par sphinctérotomie endoscopique en septembre 2004. Elle revenait d’Alger où elle avait séjourné pendant 2 mois, 10 jours avant son hospitalisation en réanimation. On notait à l’interrogatoire une diarrhée faite de 4 à 6 selles par jour liquides, non glairo-sanglante ayant duré 4 semaines et ayant cédé 5 jours avant son hospitalisation. L’examen clinique montrait une fièvre isolée et en plateau à 39° C. Les examens biologiques montraient l’absence d’hyperleucocytose et une C-Réactive Protéine à 102 UI/L. Le bilan hépatique montrait une cholestase avec GGT à 50N et PAL à 4N, sans cytolyse associée ni augmentation de la bilirubinémie. L’échographie hépato-biliaire montrait une lithiase vésiculaire non compliquée et l’échoendoscopie ne montrait pas de lithiase résiduelle du cholédoque. L’ECBU était stérile et la radiographie de thorax était normale. Trois hémocultures revenaient positives à Vibrio cholerae non-01/non-0139. La coproculture n’était pas réalisée, la diarrhée étant résolutive au cours de l’hospitalisation. L’apyrexie était rapidement obtenue sous Cefotaxime 3 grammes par jour en IV pendant 14 jours, permettant le retour à domicile de la malade. Les sérologies virales B, C et HIV étaient négatives. Les anticorps anti-nucléaires anti-mitochondries, anti-muscles lisses et anti-réticulum endoplasmiques étaient négatifs. Devant la persistance de la cholestase avec PAL à 5 fois le taux normal et GGT à 40N en février 2005, un cathétérisme rétrograde endoscopique était réalisé et montrait un aspect caractéristique en arbre mort de l’arbre biliaire posant le diagnostic de cholangite sclérosante primitive. La ponction biopsie hépatique n’était pas réalisée. Un traitement par ursolvan à la dose de 25 mg/Kg/J permettait la quasi normalisation du bilan biologique hépatique avec PAL à 1,2 N et GGT à 8N en mai 2005.
Il s’agit d’un cas exceptionnel de septicémie à Vibrio cholerae non-01/non-0139 au retour d’Algérie révélant une cholangite sclérosante primitive. Ces souches de vibrions non-cholériques sont rarement isolées chez l’homme en France mais peuvent, comme chez notre patiente, être à l’origine de pathologies sévères. A la différence de Vibrio cholerae où la contamination interhumaine est la plus fréquente, l’homme se contamine exclusivement par la consommation ou la manipulation de produits de la mer, en particulier les coquillages, en France métropolitaine ou après un séjour à l’étranger. Ceci explique l’absence d’épidémie à Vibrio cholerae non-01/non-0139 qui se manifeste le plus souvent sous la forme d’une diarrhée aiguë fébrile rarement sanglante et rapidement résolutive, les infections plus sévères avec septicémies et choc septique parfois létal survenant chez le patient immunodéprimé. Toutes les causes d’immunodépression doivent être recherchées avec attention, en particulier les pathologies hématologiques malignes et le SIDA ou comme chez notre patiente, une hépatopathie chronique. La prévention de ces infections passe donc par une sensibilisation des médecins afin qu’ils informent leurs patients présentant une pathologie prédisposante, en particulier hépatique, du risque représenté par un contact ou la consommation des produits de la mer, en particulier les coquillages.