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Gastroenterologie

Evaluation du taux d’optimisation de l’ustekinumab chez des patients porteurs d’une maladie inflammatoire chronique intestinale (MICI) dans des centres hospitaliers de l’Association nationale des hépato-gastro-entérologues des hôpitaux généraux (ANGH).

2020

VIDON Mathias

Gastroentérologie –  2020-06-29 – CO –

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Introduction : L’ustekinumab est un inhibiteur des interleukines IL12/23 qui a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement du psoriasis depuis 2009, qui a été étendu au rhumatisme psoriasique.
Ce traitement a obtenu l’AMM en novembre 2016, dans la maladie de Crohn (MC) active modérée à sévère chez les patients adultes en échec d’anti-TNFα, ou qui présentent une contre-indication médicale à ces traitements, et en 2019 dans la rectocolite hémorragique (RCH)
Il a fait la preuve de son efficacité dans la MC et la RCH, dans des essais randomisés versus placebo avec des effectifs de grande ampleur, chez des patients en échec des anti-TNF, et chez des patients naïfs, avec maintien de l’efficacité dans le temps (1),(2).
En cas de réponse insuffisante ou d’inefficacité du traitement, l’attitude actuelle est de rapprocher le délai entre 2 injections sous cutanées à 4 semaines, au lieu du délai habituel (8 ou 12 semaines), avec des premières données positives avec 57% de réponse clinique à l’optimisation (3).
Le but de cet étude est d’évaluer le nombre de patients ayant nécessité une optimisation (rapprochement des injections) du traitement par Ustekinumab dans plusieurs centres hospitaliers de l’ANGH.

Matériels et Méthodes :
Etude rétrospective, observationnelle, incluant tous les patients adultes des services de gastro-entérologie du Centre Hospitalier de Créteil, Le Raincy Montfermeil, d’Avignon Henri Duffaut, de Perpignon, du Havre, d’Argenteuil, de Montélimar et d’Aubagne ayant bénéficié d’au moins une injection d’Ustekinumab entre Novembre 2016 et mars 2020 pour une MICI.
L’objectif primaire de l’étude est de déterminer le pourcentage de patients avec recours à une optimisation du traitement par Ustekinumab.
Les objectifs secondaires sont de décrire les modalités de traitements (IV ou SC) ainsi que la dose, de déterminer le délai médian avant la nécessité d’optimiser le traitement, le taux d’arrêt de traitement le taux de réponse à l’optimisation du traitement et de décrire les effets secondaires.

Résultats :
Nous avons inclus 71 patients, avec un âge médian de 43 ans [21-82], une durée médiane de d’évolution de la maladie de crohn de 9 ans [1-35].
60 patients (85%) étaient porteurs d’une MC, 8 d’une RCH (11%).
On notait la présence de manifestations extra-digestives dans 39% des cas (28/71), une atteinte périnéale dans 35% des MC (21/60) et un antécédent de chirurgie de résection intestinale dans 38 % des cas (27/71). Un tabagisme actif était retrouvé chez 25% des patients (18/71). Le score Harvey Bradshaw médian pour les MC avant le début du traitement était de 7 [1 ; 14], à 6 mois de traitement de 4 (0-10) et aux dernières nouvelles de 2 (0-10). Le taux de CRP médian à l’induction était de 15mg/L (1-150), à 6 mois de 6mg/L (0-110) et aux dernières nouvelles de 4mg/L (1-88). Le taux de calprotectine fécale médian à l’induction était de 1038 µg/g, à 6 mois de traitement de 953 µg/g (299-2921) et aux dernières nouvelles de 350 µg/g (81-2450).
La durée médiane de suivi entre la date de la première injection et la date des dernières nouvelles est de 17 mois
Une coloscopie a été réalisée avant de débuter le traitement chez 49 patients (69% des patients), avec un score endoscopique précisé chez 44 patients (90% des coloscopies)
Pour les patients porteurs d’une MC, le score CDEIS médian (30 patients) était de 7,5 (0-35).
13 patients (18) étaient sous corticothérapie systémique au moment de l’induction, 6 patients (8%) sous Methotrexate, et 11 patients (15%) sous Azathioprine.
96% des patients ont eu au moins un traitement par anti-TNF-alpha antérieur (68/71).
24% (17/71) ont reçu un traitement antérieur par Entyvio.
L’Ustekinumab a été débuté en intraveineux lors de la première injection chez 99 % des patients (70/71). La dose médiane de l’induction intra-veineuse est de 390 mg [260;520].
Le délai avant la dose d’entretien était de 8 semaines pour 93% des patients (66/71), et de 12 semaines pour 4 patients.
Une coloscopie était réalisée au décours de l’induction chez 23 patients (32%), avec un score endoscopique précisé chez 17 patients et un délai médian entre l’induction et la coloscopie de 13 mois (1-27). A noter une cicatrisation histologique chez 9 patients (40 % des coloscopies).
Les patients ont nécessité une optimisation du traitement par Ustekinumab, avec rapprochement des injections dans 44% des cas (31/71) dont avec une réponse clinique à l’optimisation de 48% (15/31). Le délai entre deux injections était majoritairement de 4 semaines (74% des cas). Le délai médian avant l’optimisation du traitement était de 6 mois [1;29].
Le traitement a été arrêté chez 20 patients (28%), avec un temps médian avant l’arrêt du traitement de 11 mois [2;39]. Les motifs d’arrêts étaient les suivants : échec ou échappement chez 14 patients (70%), allergie chez un patient, fistule anastomotique avec abcès péri-anastomotique chez un patient, occlusion digestive chez deux patients et cancer chez deux patients.
Des effets secondaires étaient observés chez 8 patients (19%) : allergie, alopécie, fistule anastomotique avec abcès, asthénie, cancer du poumon, cancer du sein et cancer (sans précision). A noter une suspicion de COVID chez un seul patient.
Conclusion :
Cette étude regroupait plus de 70 patients traités par Ustekinumab dans les centres hospitaliers de l’ANGH, majoritairement porteurs d’une MC (85%) avec une MICI qui évoluait depuis près de 10 ans avec au moins un échec d’Anti-TNF dans 96% des cas.
Le taux d’optimisation du traitement par Ustekinumab était de 44% avec une efficacité de l’optimisation chez un patient sur deux et un arrêt du traitement chez moins de 30% des patients malgré une durée de suivi médiane de près de deux ans et demi.
Les effets secondaires significatifs étaient l’allergie chez un patient, un abcès anastomotique chez un patient et un cancer chez 3 patients, dont l’imputabilité du traitement n’est pas établie.

Références :
1) UNITI 1&2 : Feagan BG et al. N Engl J Med 2016; 375:1946-60.
2) Efficacy as induction and maintenance therapy for ulcerative colitis : Sands et al. N Engl J Med 2019; 381:1201-14
3) Effectiveness and safety of ustekinumab 90 mg every 4 weeks in Crohn’s disease, M. Fumery et al. ECCO 2019 (communication orale)