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Gastroenterologie

Hétérotopie de la muqueuse gastrique (HMG) de l’œsophage proximal : une entité encore méconnue.

2019

A Sarhani, J. Verlynde, T. Paupard. Service d’Hépato-Gastroentérologie. 130. Av. L. Herbeaux-Centre Hospitalier de Dunkerque-59385 Cedex 1 Dunkerque.

Gastroentérologie –  2019-04-04 – CO –

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Introduction :
L’hétérotopie de la muqueuse gastrique (HMG) correspond à un îlot de muqueuse gastrique au sein de la muqueuse œsophagienne. Ces foyers de muqueuse métaplasique peuvent siéger tout au long du tube digestif et rarement au niveau du tiers supérieur de l’œsophage. La physiopathologie de l’HMG au tiers supérieur de l’œsophage reste mal connue. Elle semble différente de celle de l’endobrachyoesophage (EBO). Deux hypothèses existent, mais la 2ème est considérée comme la principale : 1) Une pathologie acquise en association à un reflux gastro-œsophagien comme pour l’EBO du tiers distal de l’œsophage ; 2) Une malformation congénitale constituée très tôt au cours de l’embryogénèse. La prévalence de l’HMG de l’œsophage proximal est mal connue et est estimée à environ 3% des patients examinés par gastroscopie.
L’objectif de ce travail est d’estimer dans notre centre la prévalence de l’HMG, les signes cliniques, endoscopiques, les aspects microscopiques et les différents facteurs épidémiologiques associés à partir d’une courte série rétrospective.
Patients et méthode :
Tous les patients d’un seul centre d’endoscopie avec une HMG du tiers supérieur de l’œsophage ont été inclus sur une période d’évaluation de 5 mois. Toutes les lésions vues en endoscopie ont été confirmées par l’analyse histologique. L’examen endoscopique était réalisé sans coloration spécifique.
Résultats :
736 malades ont bénéficié d’une gastroscopie pendant 5 mois (entre mai 2018 et septembre 2018), Une HMG du tiers supérieur de l’œsophage a été découverte chez 10 malades. Il s’agissait de 8 hommes et de 2 femmes avec un âge moyen de 55 ans (extrêmes : 26-69). Deux patients sur 10 étaient tabagiques. L’endoscopie digestive haute était demandée pour des manifestations cliniques de reflux gastro-œsophagien chez 8 patients. Les deux autres indications concernaient un bilan d’anémie ferriprive et une recherche de signes d’HTP. Les manifestations cliniques étaient dominées par une dyspepsie (66%), des épigastralgies (50%), un pyrosis (33%) et des régurgitations (16%). Les lésions endoscopiques associées à l’HMG étaient les suivantes : gastrite (7/10), hernie hiatale (1/10). Les lésions d’HMG apparaissaient sous la forme d’ilots arrondis, suspendus, de couleur « rouge saumon », bien délimités, mesurant en moyenne 1.75 cm (extrêmes : 1.5 et 2 cm), au nombre de 2 dans 50% des cas, siégeant en moyenne à 17,5 cm (extrêmes : 13 et 20 cm) des arcades dentaires. L’étude histologique confirmait l’aspect de cellules glandulaires typiquement fundiques, avec présence de métaplasie intestinale dans 30% des cas au sein de l’HMG. Un seul patient avait une infection à Hélicobacter pylori. Aucune dysplasie n’était visualisée au sein de l’HMG.
Conclusion :
L’HMG de l’œsophage proximal constitue une anomalie bénigne découverte le plus souvent de façon fortuite en endoscopie. Dans notre courte série rétrospective la prévalence estimée est de 1,3% avec une nette prédominance masculine. Aucune dysplasie n’a été mise en évidence. Ne s’agissant pas d’une étude prospective, dans notre centre la prévalence est surement sous-évaluée. Ainsi, au cours d’une gastroscopie, un examen attentif du tiers supérieur de l’œsophage au retrait de l’appareil est indispensable, pour dépister d’éventuelles plages d’HMG. Les biopsies doivent être systématiques pour confirmation du diagnostic et recherche de dysplasie. L’HMG reste méconnue, sous-estimée et de diagnostic difficile. En raison de données de suivis évolutifs insuffisantes dans la littérature, sa prise en charge reste débattue et pourrait s’apparenter à celle de l’EBO pour la surveillance et la prise en charge thérapeutique, notamment en cas de symptômes ou de dysplasie avérée. Une étude prospective sous la forme d’un observatoire multicentrique pourrait aider à préciser la prévalence de cette affection et son profil évolutif au cours du temps.