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Gastroenterologie

Impact d’un retard diagnostique sur l’évolution de la maladie de Crohn : analyse d’une cohorte prospective de 497 patients

2015

Stéphane Nahon, Thierry Paupard, Pierre Lahmek, Bruno Lesgourgues, Stanislas Chaussade, Laurent Peyrin-Biroulet, Vered Abitbol.

Gastroentérologie –  2015-04-27 – CO –

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But
Déterminer si un retard au diagnostic est associé à une évolution péjorative de la maladie de Crohn (MC), comme cela a été suggéré dans une cohorte suisse (1).
Méthodes et patients
Les caractéristiques de la MC, les données socio-économiques et les traitements médicaux et chirurgicaux des patients suivis dans trois centres hospitaliers drainant des bassins de population différents sont collectées prospectivement dans une base de données informatisée (Focus_MICI®). Les dates du diagnostic et des premiers symptômes sont systématiquement saisies permettant de calculer le délai diagnostique. Un diagnostic tardif est défini par un délai au delà du 75ème percentile. Les patients ayant un diagnostic tardif ont été comparés aux patients ayant un diagnostic plus précoce (en analyse univariée et multivariée) pour les données suivantes : 1) le taux première chirurgie intestinale majeure (chirurgie proctologique exclue), 2) taux de traitement par immunosuppresseur (IMS) et 3) taux de traitement par anti-TNF. L’analyse de la durée entre le diagnostic et : 1) la première chirurgie, 2) le premier traitement anti-TNF et 3) le premier traitement IMS a été effectuée selon la méthode de Kaplan-Meier et la comparaison statistique des distributions de chaque groupe selon la méthode du Log-Rank.
Résultats
Les données de 497 patients (dont 53,6% de femmes) atteints de MC ont été analysées. L’âge médian au diagnostic était de 25,6 ans (IQR 25-75 : 19,4-35,2) Le délai médian du diagnostic était de 5 mois; un diagnostic précoce correspondait à un délai 13 mois (n=122). Le délai médian de suivi était de 9 ans (IQR 25-75 : 4-16,2 ans). 138 (28,3%) patients étaient fumeurs actifs et 109 (22,4%) l’avaient été. Les caractéristiques de la MC selon la classification de Montréal étaient : 196 (41,1%) localisation L1, 121 (25,4%) localisation L2 et 154 (32,3%) localisation L3 ; 272 (58,1%) phénotype B1, 143 (30,6%) phénotype B2 et 53 (11,3%) phénotype B3. 148 (29,8%) patients ont eu une chirurgie majeure. Concernant les traitements : 161 (37,1%) recevaient et 132 (30,4%) avaient reçu des thioguanines ; 28 (6,5%) recevaient et 50 (11,7%) avaient reçu du MTX ; 87 (20,2%) recevaient et 69 (16%) avaient reçu de l’infliximab ; 118 (27,3%) recevaient et 48 (11,1%) avaient reçu de l’adalimumab. Il n’existait pas de différence statistiquement significative entre les patients ayant un diagnostic tardif comparativement à ceux ayant un diagnostic plus précoce pour les données suivantes : âge au diagnostic, le phénotype, les taux globaux : d’IMS (p=0,6) et d’anti-TNF (p=0,7). En revanche, le délai entre le diagnostic et la première chirurgie était statistiquement plus court chez les patients ayant un diagnostic plus tardif (p=0,05); il n’existait pas de différence pour le délai entre le diagnostic et l’initiation d’un traitement par IMS ou anti-TNF.
Conclusion
Dans cette large cohorte prospective et multicentrique de patients ayant une MC, les taux globaux de traitement par IMS et anti-TNF ne sont pas influencés par un retard diagnostique. En revanche, les patients diagnostiqués plus tardivement sont opérés plus précocement.
Schoeper A.M et al. Am J Gastroenterol 2013 ;108 :1744-53.