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Hepatologie

Une hépatite E aggravant une cirrhose NASH et persistante plus de 6 mois en l’absence d’immunosupression.

2014

Petitdidier N, Condat B, Zanditenas D, Bonnet J, Ould-Ahmed B, Ngo Y, Blazquez M
Service d’hépato-gastro-entérologie de l’hôpital Saint-Camille, Bry-Sur-Marne, 94.

Hépatologie –  2014-05-05 – CC –

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Il est observé une franche augmentation du nombre de cas autochtones d’hépatite virale E dans les pays occidentaux surtout après ingestion de viandes porcines contaminées. Nous rapportons le cas d’un patient atteint d’hépatite E aigüe aggravant une cirrhose NASH exceptionnel par le passage à la chronicité en l’absence de toute immunosupression.
Cas clinique :
Un homme de 61 ans, ne consommant pas d’alcool, ayant pour antécédents un syndrome métabolique (diabète de type 2, dyslipémie et IMC à 30) et une cardiopathie ischémique fut hospitalisé le 15 Juillet 2012 pour un ictère depuis une semaine et une asthénie intense depuis début Juin 2012. Le bilan biologique montrait des ALAT à 15 N, des ASAT à 12 N, des GGT à 10 N, des PAL normales, une bilirubine totale à 55 micromol/L, une NFS normale et un TP normal. Le patient avait pris fin Juin 2012, dans un contexte de syndrome pseudo grippal sans sepsis avéré, un traitement par Augmentin per os pendant une semaine. Il n’était pas rapporté d’autres traitements récemment institués. L’IgM VHA, l’Ag HBs, l’AC HCV et les sérologies EBV et CMV ne mettaient pas en évidence d’argument pour une infection virale aigüe. Les anticorps anti tissus étaient négatifs. Le bilan du cuivre était normal. Le bilan morphologique (échographie et IRM) mettait en évidence un foie stéatosique et dysmorphique et une splénomégalie sans autre anomalie. La FOGD mettait en évidence une gastrite fundique en mosaïque intense évocatrice de gastrite d’hypertension portale. Le diagnostic initialement évoqué était celui d’hépatite médicamenteuse due à l’Augmentin chez un patient atteint de cirrhose NASH non compliquée.
La cytolyse hépatique persistait par la suite avec une augmentation prolongée des ALAT à 5 N et en Octobre 2012 le patient était réadmis pour persistance de l’asthénie intense, de l’ictère et apparition d’une ascite radiologique. Le diagnostic d’hépatite E aigüe (IgM et IgG VHE positifs, virémie positive) de génotype 3 était alors porté. Un traitement par ribavirine était débuté le 12 Octobre 2012 à la dose quotidienne initiale de 600 mg.
Un mois après le début du traitement les transaminases étaient redevenues normales, l’ictère et l’asthénie avaient disparu et l’ascite était asséchée sous diurétiques. Par contre, la persistance de la virémie plus de 6 mois après le diagnostic faisait porter le diagnostic d’hépatite E chronique. Un bilan exhaustif à la recherche de cause d’immunodépression était négatif. L’augmentation des doses de ribavirine à 800mg à partir de Septembre 2013 était associée à la négativation persistante de la virémie à partir d’Octobre 2013.
Le diagnostic final retenu était celui d’hépatite virale aigüe E aggravant une cirrhose NASH et passant à la chronicité chez un sujet immunocompétent.
Discussion :
La recherche d’une hépatite E devrait devenir systématique en cas d’aggravation aigüe d’une hépatopathie chronique et devant toute hépatite aigüe cytolytique. L’hépatite E chronique a été fréquemment rapportée chez des patients immunodéprimés (transplantés, hémopathies malignes, séropositifs pour le VIH). Sa survenue, comme pour notre patient, chez un sujet immunocompétent est extrêmement rare, un seul cas a été rapporté*. L’augmentation rapide des cas d’hépatite E en France pourrait être associé à la mise en évidence de passages à la chronicité moins exceptionnels chez les patients immunocompétents.
*Grewal P et al. Hepatology 2014.