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Hepatologie

Hépatite aiguë sévère à la pioglitazone

2003

Ramuntxo Arotçarena, Jean-Paul. Bigué, Francine Etcharry et Alex Pariente, Centre Hospitalier, 64000 Pau

Hépatologie –  2000-03-09 – CO –

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Introduction : Les thiazolidinediones (glitazones) sont une nouvelle classe d’ antidiabétiques oraux, agonistes sélectifs des récepteurs nucléaires PPARg , réduisant l’ insulinorésistance au niveau du tissu adipeux, du muscle squelettique et du foie. Le chef de file de cette famille, la troglitazone, commercialisé en 1997 a été retiré du marché en raison de son hépatotoxicité. Deux autres glitazones, la pioglitazone et la rosiglitazone, ont été récemment commercialisées, et considérées comme moins hépatotoxiques. Nous rapportons ici un cas d’ hépatite aiguë sévère imputable à la pioglitazone.
Observation : Un homme de 42 ans était hospitalisé le 14 février 2003 pour ictère. Dans ces antécédents, une HTA depuis 1998, un accident ischémique transitoire en juillet 2001, un suspicion d’embolie pulmonaire en mai 2002, une oesophagite ulcéro-nécrotique en mai 2002 et un diabète non insulino-dépendant traité depuis 1998 par des antidiabétiques oraux. Le malade était sous glibenclamide 15 mg/j et metformine 3 g /j depuis 1998. Il avait pris par ailleurs de l’amlodipine (10 mg par jour) depuis 6 ans, remplacée par de la lercanidipine 20 mg par jour. Le 21 décembre 2002, le glibenclamide était arrêté, et remplacé par de la pioglitazone (30 mg/j). Le 27 décembre 2002, survenait une violente douleur abdominale sans fièvre ni frisson. Cette douleur s’améliorait spontanément, mais des douleurs abdominales vagues s’installaient, associées à une asthénie et une anorexie progressive. Un ictère apparaissait le 5 février 2003. Le malade prenait 6 gélules de dextropropoxyphène 30 mg-paracétamol 400mg 4 jours après l’installation de l’ictère, puis, en l’ absence d’ amélioration, était hospitalisé le 13/02/2003. L’examen clinique notait un ictère sans signe clinique d’ hépatopathie chronique, sans encéphalopathie, sans fièvre. Le bilan biologique montrait des ASAT à 2770 UI/l (N<42), des ALAT à 2403 UI/L (N<33), des phosphatases alcalines à 231 UI/l (N<95), une gamma GT à 1141UI/L (N<64), une bilirubinémie à 270 µmoles/l dont 166 de bilirubine conjuguée 166, un TP à 65%, un facteur V à 76%. L'albuminémie était à 31,2 g/l et les gamma-globulines à 7,5 g/l. La numération formule sanguine, l’ ionogramme sanguin et la fonction rénale étaient normaux. L'Ag HBs, les anticorps anti-VHC, la recherche d'ARN du VHC par PCR, les anticorps anti-nucléaires, anti-mitochondries, anti-reticulum endoplasmique étaient absents du sérum. Les anticorps anti-muscle lisse étaient postifs à 1/80 de type non anti-actine. Une échographie abdominale montrait un parenchyme hépatique d'échostructure et de morphologie normales, et des voies biliaires normales. La pioglitazone était arrêtée à l’ entrée. Les perturbations biologiques s'aggravaient jusqu'au 16/02/2003: ASAT 3467 UI/l, ALAT 2797 UI/l, bilirubine totale 297 µmoles/l, TP 57%. Le 21/02/2003 une échographie abdominale retrouvait une ascite modérée contenant 10 g de protides par litre , et 75 éléments par mm3 . L'évolution était ensuite favorable. Une biopsie hépatique était faite le 06/03/2003, après la disparition de l’ ascite. A cette date, ASAT 43 UI/l, ALAT 88 UI/l, phosphatases alcalines 76 UI/l, gamma GT 150 UI/l, bilirubine totale 74 µmoles/l, TP 78%. L’ examen histologique montrait une architecture normale, les espaces porte étaient fibreux et oedémateux avec une importante prolifération néoductulaire et un infiltrat modéré comportant à prédominance lymphocytaire, avec des neutrophiles, sans éosinophiles, et une exocyose de polynucléaires dans les canaux biliaires sans altération épithéliale. Les lésions lobulaires étaient majeures avec ballonisation et clarification des hépatocytes, gros noyaux avec gros nucléoles et inclusions glycogéniques, et nombreuses nécroses hépatocytaires entourées de microgranulomes leucocytaires, cholestase intrahépatocytaire et intracanaliculaire, stéatose minime. Il y avait des dépots de fer dans les macrophages portaux et les cellules de Kupffer. Les tests hépatiques étaient normaux un mois plus tard, à l’ exception de GGT à 2,7 fois la normale.
Discussion : Quatre cas d’ hépatite à la pioglitazone1-4 ont été rapportés, chez trois hommes et une femme de 49 à 78 ans, après 6 semaines à 7 mois de traitement, avec un profil d’ hépatite mixte, des lésions hépatocellulaires et cholangiolaires, et une évolution rapidement favorable à l’ arrêt du médicament ; dans un cas4 il s’ agissait d’ une hépatite grave, régressive sous corticothérapie. Dans les études réalisées avant la mise sur le marché, le taux d’ élévation des transaminases au dessus de 3N étaient de 0,25% (non différents du placebo), contre 3% avec la troglitazone. Le mécanisme de l’ hépatotoxicité des glitazones est inconnu : la troglitazone a une toxicité mitochondriale in vitro, et est à l’ origine de la formation d’ un epoxide quinonique ; elle possède une chaine latéral a-tocophérol dont sont dépourvues les 2 autres glitazones. Des hépatites à la rosiglitazone ont également été décrites. L’ efficacité préventive de la surveillance systématique des transaminases, qui avait réduit de moitié la fréquence des cas de toxicité sévère de la troglitazone reste à établir, et l’ intervalle de 2 mois actuellement proposé semble insuffisant.

1May LD, Lefkowitch JH, Kram MT. Mixed hepatocellular-cholestatic liver injury after pioglitazone therapy. Ann Intern Med 2002; 136:449-52
2Maeda K. Hepatocellular injury in a patient receiving pioglitazone. Ann Intern Med 2001; 135: 306
3Pinto AG, Cummings OW, Chalasani N. Severe but reversible cholestatic liver injury after pioglitazone therapy. Ann Intern Med 2002;137:857.
4Chase MP, Yarze JC. Pioglitazone-associated fulminant hepatic failure. Am J Gastroenterol 2002; 97:502-3