Catégories
Vie Professionnelle

SUIVI POST POLYPECTOMIE COLIQUE : SOMMES NOUS EUROPÉENS, FRANÇAIS OU GAULOIS ?

2024

S.BELLON. T.ANDRIANTSENO. A.RAOTO. JP.ARPURT.
Service Hépato Gastro entérologie du C H AVIGNON


Vie Professionnelle – 12/05/2024 – Communication orale

INTRODUCTION . En 2021, la SFED et la SNFGE annoncent une « mini révolution » dans les recommandations pour le suivi après polypectomie colique.
Elles définissent 3 situations présentant des niveaux de risque différents : faible / intermédiaire / élevés. La nouveauté tient essentiellement au fait que les patients à faible risque se verront proposer une « consultation de prévention » à 5 ans qui permettra de pouvoir discuter de remplacer le suivi endoscopique par le dépistage classique (par exemple le test FIT en 2024).
1 an plus tôt, l’ESGE avait émis ses recommandations sur le même thème. Ces dernières sont plus simples et plus « radicales ». Il n’y a que 2 niveaux de risque : faible (associant risques faible et intermédiaire des reco françaises) et élevé. Les risques faibles arrêtent la surveillance endoscopique !!!!!! Et passent au dépistage classique…

J’applique un « mélange » de ces recommandations depuis 3 ans ce qui a notablement fait diminuer mes indications de coloscopie de dépistage….
En discutant avec mes collègues hospitaliers et libéraux je me suis rendu compte que l’application de ces recommandations était très variable et que chacun faisait un peu « comme il veut ».
Je souhaitais donc rediscuter de ces recommandations, avec comme point de départ : un questionnaire de pratiques très simple adressé à mes collègues.

RÉSULTATS . A ce jour 31 questionnaires sont revenus…
Les tendances sont les suivantes :
Pour les faibles risques : 20% seulement suivent les reco. 80 % des praticiens proposent systématiquement une coloscopie de contrôle sans passer par la consultation de prévention.
Pour les risques intermédiaires : 50% suivent les reco.30 % proposent un intervalle trop rapproché, 20% un intervalle trop éloigné.
Pour les hauts risques, 90% suivent les reco. 10% ont proposé un intervalle trop long.

La consultation de prévention
54 % n’en font jamais !
Sur les praticiens qui en font, 50 % disent surtout proposer le FIT, 30% surtout la coloscopie et 20% faire « moitié-moitié ».

DISCUSSION .
Le cahier des charges pour appliquer les recommandations (françaises ou européennes) est précis.
• Proposer une coloscopie de haute qualité selon les critères de la SFED (90% de Boston>= 7, colo complètes >90 % et TDA> 25 % en dépistage/45 quand FIT)
• La résection du polype doit être complète.
• La taille des polypes doit être évaluée de façon standardisée. Pendant la coloscopie par la pince ou l’anse ( bientôt l’IA ?). En anapath par application d’un protocole.

En 2013, une étude d’évaluation du suivi des recommandations de l’époque avait montré que moins de 50% des gastro entérologues les appliquaient correctement !! En 2024, en France, sur des données très réduites, les chiffres ne sont pas vraiment meilleurs.
Quelles raisons peut-on évoquer ?
Pour le praticien :
• La complexité. Les 3 catégories françaises et les règles qui vont avec sont effectivement moins simples à retenir que leurs homologues européennes !
• le sentiment de « dangerosité » pour le patient et la peur risque du cancer d’intervalle. Très probablement. Il faut cependant avoir en mémoire qu’après une coloscopie, les patients de faible risque ont un risque de survenue et de mortalité par cancer inférieur à la population générale !!!
• Le flou autour de cette consultation de prévention. En effet, le choix pour la poursuite du dépistage est laissé à la libre appréciation du praticien. Il n’est pas donné de règle pour choisir. Après appel , ni la médicale de France ni le conseil de l’ordre, à ce jour, n’ont retrouvé de praticien mis en cause pour avoir réalisé une coloscopie « en trop » ( à la place d’un suivi par FIT). Mais les 2 organismes précisent quand même que seul l’expert désigné dans une affaire pouvait juger de ce qui était opposable….
• Des raisons économiques ?
Pour le patient
• La réticence . Elle est par expérience très forte et il faut être convaincu soi-même de la pertinence de ces reco. Il faut insister sur le fait qu’elles ont été établies quel que soit le motif, dont bien sûr les ATCD personnels ou familiaux. Il faut parfois aussi rappeler les risques : perforation 0,5 /°°,mortalité 0,03 /°°

CONCLUSIONS : Les reco françaises et européennes qui existent depuis 3 ans , sont censées améliorer le suivi post polypectomie en ne gardant que les coloscopies utiles. Sont-elles vraiment appliquées ? Sur un petit effectif, ce suivi est « hétérogène » et les gastroentérologues questionnés se comportent plus en gaulois qu’en Français et à fortiori qu’en européens .
Leur application plus précise passe à mon avis par une meilleure connaissance de l’argumentaire qui à permis de les établir.
Elles nécessitent par ailleurs un cahier des charges élevé.