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Hepatologie

Résultats d’une étude prospective observationnelle devant la découverte d’une faible perturbation des transaminases en médecine générale

2012

F. Heluwaert (1), C. Reynier (1), L. Lecoq (2), J. Pofelski (1), P. Oltean (1), M. Baconnier (1), P. Capony (1), V. Leroy (2). (1) Annecy, (2) Grenoble.

Hépatologie –  2012-05-05 – Cho –

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Introduction
Une faible perturbation des transaminases (ALAT25kg/m². Consommation moyenne d’alcool : Homme = 13 verres/sem, Femme = 2
verres/sem. Nombre médicament/patient : 2,6+/-2,7 [0-15], taux ALAT moyen = 1,84N,
ASAT = 1,5N, GGT = 3,74N, PAL = 0,76N, TP moyen 95% ( 45% dans 7 cas avec 1 homozygotie C282Y et une hétérozygotie C282Y. Réalisation
d’une échographie dans 83,8% des cas et pathologique dans 61,3% des cas (stéatose 50%,
hépatomégalie 19,4%, Splénomégalie 8,1%) .
Les étiologies retrouvées sont stéatopathie dysmétabolique (75,6%) (Seul diagnostic dans
40,5%), médicamenteux 28,3% (Seul dans 5,4%) (traitement incriminés par fréquence
décroissante : statines, AINS ou antalgiques, oestroprogestatifs, allopurinol), éthylique :
21,6% (seul dans 4%), virus B ou C (2,7%), autres virus (EBV et 1 CMV) (2,7%),
hémochromatose génétique type1 (1,35%), sarcoidose (1,35%), pas de diagnostic (5,4%)
Un avis spécialisé était demandé pour 22 patients (30,6% des cas) et seulement 25% des
dysmétaboliques. Le recours au spécialiste était motivé par la découverte d’une étiologie B,
C, d’une hémochromatose, d’une splénomégalie, d’un TP<80% et d'une thrombopénie. Pour
les patients dysmétaboliques, ni le taux d'ASAT, d'ALAT, le rapport ASAT/ALAT, le TP ou les
données échographiques n'étaient associés au recours à un spécialiste.
un diagnostic de cirrhose a été porté dans 3 cas (alcool+dysmétabolique, alcool+virusB,
dysmétabolique seul), suspecté dans un cas (dysmétabolique+alcool), ainsi qu'une fibrose F3
(hémochromatose) et F2 (virus C).
Conclusion
La découverte par le médecin généraliste d'une faible perturbation du bilan hépatique
nécessite toujours une exploration minimale. La stéatopathie dysmétabolique représente la
principale étiologie, bien avant les causes virales.
Une évaluation de la fibrose hépatique devrait être systématiquement envisagée au vu du
nombre de fibrose sévère ou de cirrhose dépistée. Le recours au spécialiste est souvent
tardif. Des recommandations pratiques sur cette situation courante de médecine générale
mériteraient d'être énoncées par nos sociétés savantes.

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Gastroenterologie

« Helicobacter pylori : quoi de neuf ? »

2012

A Courillon-Mallet (Villeneuve-Saint-Georges)

Gastroentérologie –  2012-08-11 – CF –

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H pylori n’est plus un problème d’avenir dans les pays européens. La prévalence de l’infection diminue et n’est plus que de 9.3% chez des jeunes hommes et femmes incorporés dans la marine nationale en 2010 .Toutefois, si on considère que 25 % de la population adulte française est encore infectée, l’infection reste un problème d’actualité . D’autre part, la prévalence de l’infection reste très élevée dans de nombreux pays voisins de la France et concerne donc de nombreux patients migrants soignés en France. Nous n’avons donc pas fini de parler de H pylori…

De nouvelles recommandations européennes sur la prise en charge de l’infection à H.pylori ont été publiées récemment et les recommandations françaises datant de 1995 et 1999 ont été revues.(Gut. 2012 May;61(5):646-64) Une fiche de conseil de pratique les résumant a été publiée sur le site de la SNFGE. (http://www.snfge.org/01-Bibliotheque/0K-Conseils-pratique/pdf/Conseil-de-Pratique-SNFGE–H-pylori.pdf)
Les indications d’éradication ont été élargies et concernent désormais :
• les apparentés au premier degré de patients ayant un cancer de l’estomac et les patients à risque de cancer gastrique du fait de lésions prénéoplasiques telles que métaplasie intestinale étendue ou atrophie sévère fundique ou du fait d’une prédisposition génétique personnelle au cancer gastrique (PAF,HNPCC, Peutz Jeghers).
• les patients ayant un traitement prolongé par IPP (supérieur à 6 mois), bien qu’il n’y ait aucune étude épidémiologique montrant un sur risque de cancer chez les patients sous IPP au long cours.
• les patients avant chirurgie bariatrique par bypass, le bypass isolant une grande part de l’estomac et ne permettant plus la surveillance endoscopique de l’estomac.
• les cas d’anémie par carence en fer ou en vitamine B12 sans cause retrouvée ou de purpura thrombopénique immunologique. Dans ces cas, une relation avec l’infection a été évoquée et l’éradication bactérienne doit être proposée.
• bien sur, les indications classiques telles que ulcère duodénal ou gastrique, traitement prolongé par AINS, lymphome gastrique du MALT .
Enfin , du fait de la diminution de la prévalence de l’infection et de l’incidence du cancer en Europe, contrairement à certains pays asiatiques à très forte incidence de cancer gastrique , aucun pays européen ne propose de dépistage et de traitement systématique à l’adolescence pour prévenir le cancer. Seul un dépistage ciblé est recommandé. Pour élargir le dépistage, des biopsies systématiques sont recommandées même en l’absence de lésion visible au cours des endoscopies.

Le traitement
Ces dernières années ont été marquées par une augmentation rapide du taux de résistance bactérienne aux antibiotiques. Une étude portant sur 2204 patients dans 18 pays européens, révèle un taux de résistance à la clarithromycine de 17.5% chez les adultes et 31.8 % chez le enfants et de 21.3% en France.(Gut. 2012 May 12. [Epub ahead of print]) Pour la levofloxacine les taux de résistance européens sont de 14.1% et en France de 17.8%. Les taux de résistance dans les différents pays européens sont variables et directement corrélés à la consommation d’antibiotiques par pays. La France est au 5 ème rang en terme de consommation de macrolides et quinolones et en terme de taux de résistance bactérienne ! Sachant que la résistance à ces 2 classes d’antibiotiques a un impact très négatif sur le taux d’éradication , la trithérapie classique associant IPP , amoxicilline et clarithromycine recommandée jusqu’à présent en France doit être abandonnée. L’utilisation de lévofloxacine prônée en deuxième ligne doit être réservée aux souches sensibles donc après antibiogramme. Les recommandations de traitement de première ligne sont désormais le traitement séquentiel de 10 jours : 5 premiers jours IPP double dose + amoxicilline (1gX2/j) suivis pendant les 5 jours suivants de IPP +clarithromycine (500mgX2/j) + métronidazole (500 mgX2/j)). L’autre possibilité est la quadrithérapie associant IPP double dose, tetracycline, metronidazole et bismuth. Une formulation galénique réunissant en une seule gélule, le sous citrate de bismuth, la tetracyvline et le métronidazole sera prochainement disponible en France. Trois gélules sont à prendre 4 fois par jour pendant 10 jours.

Les moyens diagnostics ont peu évolué, l’histologie et le test respiratoire à l’urée marquée restent les 2 tests recommandés. La nouveauté vient de la mise au point de plusieurs techniques d’amplification génique ou PCR. Ces techniques sur biopsies permettent d’avoir en quelques heures non seulement un diagnostic de l’infection mais aussi d’apprécier la résistance aux macrolides et aux quinolones. Elle est une alternative très intéressante à la culture puisqu’elle nécessite des conditions de transport des prélèvements moins contraignantes que la culture et qu’elle permet d’avoir un résultat en quelques heures au lieu des 5 à 12 jours nécessaires pour la culture.

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Hepatologie

Une élévation inhabituelle d’alpha foetoprotéine.

2012

Séverine HOMMEL, Magali PICON, Serge ERLINGER, Didier MATHIEU, François CESSOT (Aix en Provence)

Hépatologie –  2012-05-05 – CO –

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Nous rapportons le cas d’une femme âgée de 32 ans adressée pour élévation isolée de l’alpha foetoprotéine (AFP).
Ce dosage a été demandé par son médecin traitant devant des douleurs abdominales évoluant depuis 1 an associées à des ballonnements et à une constipation récente, sans notion d’altération de l’état général.Ses antécédents sont marqués par une péricardite virale quelques années auparavant, par un tabagisme actif à 5PA et par 2 grossesses par voie basse.
Le bilan prescrit par le médecin traitant ne retrouve aucun syndrome inflammatoire, le bilan hépatique est normal mais seul revient élevé le dosage d’AFP à 51.3 ng.ml(N<10). L'échodoppler abdominal est normal. L'examen clinique est sans particularité.
Il n'existe aucune prise de toxique, pas de consommation d'alcool et aucune prise médicamenteuse.
Le bilan biologique de controle confirme l'élévation de l'alpha foetoprotéine à 45.9 ng/ml, les autres marqueurs tumoraux étant négatifs, les sérologies virales (VHA, VHE, VHB, VHC) reviennent négatives de même que le dosage des BétaHCG.
Le scanner thoracoabdominopelvien injecté n'objective aucune anomalie. Les explorations endoscopiques (FOGD et coloscopie totale) s'avèrent normales.
Le diagnostic évoqué devant ces résultats est celui d'élévation héréditaire de l'alpha foetoprotéine. Un dosage familial de l'AFP est réalisé, revenant à un taux normal chez la soeur et la mère de la patiente mais élevé chez son père (AFP à 36.3 ng/ml). Un dosage est effectué par la suite chez l'oncle paternel et la tante paternelle, normal mais impossible chez les grands parents, ceux-ci étant décédés.
Ce syndrome décrit pour la première fois en 1983, dont le trait de transmission est autosomique dominant est rare. Seuls 5 cas ont été rapportés dans la littérature.
Il faut savoir évoquer ce diagnostic devant toute élévation isolée de l'alpha foetoprotéine après un bilan étiologique exhaustif (pour éliminer notamment les diagnostics différentiels carcinologiques), le diagnostic étant confirmé de manière simple par le dosage familial de l'AFP.
Ce cas soulève bien évidemment la question de la pertinence du dosage de l'AFP devant un syndrome abdominal douloureux chronique!

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Vie Professionnelle

Payer les médecins « à la performance » : une fausse bonne idée ?

2012

Alex Pariente, Jean-Pierre Dupuychaffray (Pau, Angoulême)

Vie Professionnelle –  2012-08-11 – CF –

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Le paiement à la performance (P4P chez les anglophones) a été introduit en 1995 dans les hôpitaux d’anciens combattants étasuniens, en médecine générale en Grande Bretagne en 2004, « testé » sous la forme du « CAPI » (Contrat d’ Amélioration des Pratiques Individuelles) en France par la Caisse Primaire d’ Assurance Maladie à partir de 2008 puis introduit dans la convention médicale signée le 31 Juillet 2011, pour les médecins généralistes et 4 spécialités (dont la gastroentérologie). Il fait partie des « nouvelles » mesures de gestion hospitalières introduites depuis HPST.
L’analyse de la littérature, incluant plusieurs méta-analyses, montre cependant que le P4P n’est pas efficace. En l’absence d’études randomisées, on est obligé d’utiliser des comparaisons historiques ; il est alors essentiel de tenir compte du rythme d’amélioration de la prise en charge des patients avant la mise en place du P4P. Quand cette précaution est prise, on voit que, en médecine générale le P4P n’améliore pas, ou peu et transitoirement les objectifs prédéfinis. Pire, il y a un effet rebond si on arrête le P4P pour tel ou tel critère. Une étude étasunienne récente comparant 252 hôpitaux adhérents à un programme de P4P à 3363 n’y adhérent pas sur une période de 6 ans ne montre aucune différence dans l’amélioration de la mortalité après infarctus du myocarde, pontage coronaire, insuffisance cardiaque ou pneumonie, y compris chez les hôpitaux les moins performants au départ.
Le P4P a de plus des effets pervers : il consomme du temps médical pendant la consultation, il détourne les médecins vers « ce qui paye », fait exclure les « mauvais malades » n’obtenant pas de bons résultats , diminue l’ accès des malades graves à l’hôpital quand un quota est atteint , déplace l’intérêt professionnel vers l’ intérêt financier, peut faire tricher (effets de seuil), augmenter la méfiance vis à vis des caisses (le retour des résultats obtenus ne permet pas d’identifier ses malades ), la méfiance des malades vis à vis des médecins et finalement les mentalités.
Le P4P est très coûteux: outre le supplément de revenus pour les médecins (en moyenne 3000 €/an pour les médecins généralistes adhérents au CAPI), il faudrait compter la très lourde structure informatique de gestion, son entretien, et le coût (en temps et en argent) des inévitables conflits.
Le loup informatique est déjà dans la bergerie. Aux Etats Unis, où l’implantation du dossier médical informatisé (EMR) bat son plein (avec une subvention de 44.000 $ par médecin !), ces systèmes incluent déjà non seulement les systèmes de P4P par indicateur, mais aussi des « outils de décision clinique » (CDS) par situation…De ce genre d’aide à la soumission, il n’ y pas loin.
En conclusion, le P4P n’est au mieux que transitoirement efficace, surtout pour les médecins n’ayant pas un bon score au départ, a un spectre limité, n’a pas été directement comparé à d’autres techniques, est très coûteux, et a des effets pervers risquant de dégrader la relation médecin-malade.
Le P4P n ‘est décidément pas une bonne idée, et ce n‘est pas en le rebaptisant en P4Q (Payment For Quality) qu’on le rendra meilleure. Si on respectait les critères de l’ Evidence Based Medicine, le P4P n’aurait pas l’utilisation de mise sur le marché !