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Hepatologie

Atrophie hépatique progressive : un scénario dramatique, mal connu et pourtant prévisible de l’hépatite alcoolique aiguë (HAA) abstinente.

2011

Jean Henrion, Pierre Deltenre, Stéphane De Maeght.
Service d’Hépato-Gastroentérologie, Hôpital de Jolimont, Haine-Saint-Paul, Belgique

Hépatologie –  2011-05-19 – CO –

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L’histoire naturelle de la HAA est mieux connue grâce aux travaux de l’équipe lilloise. La mortalité à six semaines est de l’ordre de 25 % et est prédite par le score de Lille (1). La survie à cinq ans est de l’ordre de 30 % et dépend de l’abstinence (2). A propos de cinq observations, nous rapportons un scénario particulier de l’histoire naturelle de la HAA abstinente. Il s’agit d’une évolution mal connue, non décrite et pourtant prévisible.

Description du scénario : La phase I est un épisode typique de HAA sévère avec une fonction discriminante de Maddrey supérieure à 32. Il s’agissait dans les cinq cas d’un premier épisode d’ictère et d’une première hospitalisation pour maladie hépatique. Dans trois cas, l’arrêt de l’alcool fût immédiat et dans deux cas, il est survenu après 11 et 13 mois. La phase II est celle de « l’embellie heureuse », l’abstinence est complète, la biologie hépatique est normale, l’ictère et l’ascite ont disparu et les diurétiques sont arrêtés. La durée de cette phase fût de 1 à 17 ans (moyenne 7.5 ans). Un malade est toujours à cette phase évolutive. La phase III correspond à l’émergence de l’ascite. Rapidement, l’ascite devient non contrôlable. A cette phase, l’imagerie radiologique est typique, montrant un foie atrophique, très dysmorphique, baignant dans l’ascite. La biologie hépatique (bil, alb, INR) reste normale. Le Child moyen était de 7 et le MELD moyen était de 8.9. La phase IV correspond à la dégradation rapide avec survenue de complications comme l’ascite non contrôlable, la rupture de VO, l’infection et l’encéphalopathie hépatique nécessitant des hospitalisations répétées et justifiant la proposition de transplantation hépatique. A ce stade, cependant, le MELD est toujours bas, à une valeur moyenne de 10.3, hypothéquant la possibilité de transplantation. Deux malades ont pu être transplantés à l’époque du Child. Un malade est décédé en liste d’attente faute d’un MELD suffisamment élevé. Un dernier malade a été listé dès l’apparition de l’ascite avec un MELD de 8.5 dans l’espoir d’une greffe de donneur vivant.

Conclusions :

1°) Ce scénario de l’histoire naturelle de la HAA est mal connu. Cette méconnaissance s’explique par la survie médiocre de la HAA sévère à long terme et par la difficulté d’un suivi prolongé.

2°) Le mécanisme de l’atrophie hépatique pourrait être l’extinction parenchymateuse décrite par Wanless (3).

3°) Cette évolution est prévisible et donc, d’un point de vue pratique, elle implique une surveillance régulière et prolongée de la HAA sévère abstinente, la prévention de l’apparition de l’ascite et la proposition précoce pour transplantation hépatique.

4°) L’allocation d’un greffon en fonction du MELD « pure et dure » comme c’est le cas en Belgique, est catastrophique pour ces malades.

(1) Mathurin, Gut 2010 ; (2) Louvet, Hepatology 2010 (Abstract) ; (3) Wanless, Hepatology 1995.